Épisode 1 | De Montreux à Gruyère
Phase d’activation : trouver le souffle, installer l’énergie
Départ au bord du Lac Léman. Premiers tours de pédale, tout se met en place. Le souffle s’installe et le cœur monte progressivement, mais sans s’emballer. C’est la zone où l’on sent que le corps active doucement le mode endurance.
Puis, la route se redresse d’un cran. À froid, ça pique. Les muscles n’ont pas encore eu le temps de s’ouvrir complètement, la respiration tâtonne, et le corps doit répondre vite. Alors la mécanique interne s’active sans attendre : le corps va chercher de l’énergie immédiate.
L’instant où le corps bascule en mode urgence énergétique : chaleur dans les cuisses, signal presque électrique, lactate qui arrive.
Je le sens dans les cuisses, cette chaleur qui monte trop tôt, ce signal presque électrique. L’acide lactique arrive. L’organisme brûle du sucre instantanément, crée du carburant à grande vitesse… et laisse cette trace chimique derrière lui.
Ce qui se passe réellement
En réalité, cet acide lactique n’est rien d’autre qu’un intermédiaire énergétique : une molécule produite quand les muscles fabriquent de l’ATP, leur carburant, à partir du sucre. Quand l’effort démarre fort ou que l’oxygène n’arrive pas encore assez vite, le corps prend la filière rapide, dite anaérobie lactique. Elle fournit de l’énergie immédiatement, mais laisse cet acide lactique comme trace du travail d’urgence.
Ce n’est pas un déchet : c’est une monnaie énergétique temporaire. Les muscles, le cœur, et même le foie peuvent le recycler pour en refaire du carburant.
Le seul souci, c’est la vitesse. Si j’en produis trop vite, le pH chute, ça brûle, ça serre : signe que j’ai dépassé l’équilibre. Mais dès que le souffle se cale et que l’oxygène revient en quantité, le lactate circule, se transforme, nourrit l’effort.
Une même molécule : brûlure au départ, énergie ensuite. Le marqueur d’un moteur qui s’allume… puis trouve son rythme. Le temps que le souffle se cale et que la machine se réchauffe pour de bon, il faut accepter cette phase brute. L’inconfort du départ, la contraction encore raide, la montée en régime forcée.
Puis, comme toujours, ça se stabilise. Le corps reprend le dessus, réutilise ce lactate, le transforme à nouveau en énergie. La brûlure se dissout, la cadence trouve son lit.

De l’allumage au régime de croisière
À ce moment-là, la physiologie fait son travail :
D’abord, l’énergie vient surtout des glucides facilement disponibles dans les muscles et le sang. Le corps puise dans ses réserves de glycogène pour produire de l’ATP, la molécule qui permet à chaque fibre musculaire de se contracter. On appelle cette voie rapide la glycolyse : c’est l’allumage, la solution express pour fournir du carburant dès les premiers coups de pédale.
Mais cette réserve n’est pas infinie. Alors, une fois le souffle stabilisé et l’allure régulière, le métabolisme change progressivement de stratégie. L’organisme active davantage la lipolyse, c’est-à-dire la dégradation des graisses stockées pour produire cette même molécule énergétique, l’ATP. Ce mode de production est plus lent, mais quasiment inépuisable tant que l’intensité reste modérée et l’oxygène disponible.
La température musculaire augmente, la circulation sanguine s’optimise. Les muscles deviennent plus efficaces, la sensation d’effort se stabilise. C’est le passage subtil entre échauffement et rythme de croisière sportif.
Les vignes s’écartent, les pentes alpines prennent le relais. Mon rôle ici n’est pas de pousser, mais de laisser le corps se régler : respiration stable, jambes actives mais pas crispées, énergie fluide.
Fondue : plaisir et logique nutritionnelle
- du pain pour les glucides : recharger le glycogène
- du fromage pour les lipides et protéines : une énergie longue et une réparation
- du sel : compenser la sudation
- du plaisir : carburant mental essentiel
Dans l’endurance, tout ne se mesure pas en watts, VO₂ ou seuil ventilatoire. La performance repose aussi sur la gestion globale du corps et de l’esprit : alterner charge et relâchement, gérer l’énergie, mais aussi cultiver le plaisir. Ici, la fondue n’est pas un écart : c’est une stratégie. Une manière de nourrir le corps comme la motivation, de célébrer l’effort sans l’abandonner.
Première étape validée ! Le moteur est lancé, la physiologie en place, l’esprit aligné.
La suite dans l’épisode 2 : Gruyères → Gstaad — activer le mode croisière