Épisode 5 | de Giswil à Lucerne
Récupération active : quand le corps progresse en ralentissant

 

Ce matin-là, à Giswil, la pluie est continue et franche. Ce n’est pas un temps “incertain” où l’on peut espérer une fenêtre. C’est une situation qui, si on roule malgré tout, transforme une étape prévue en session épuisante, potentiellement contre-productive. Je ne suis pas à bout, mais je sens que le corps demande une forme de transition. Pas d’arrêt complet, mais pas non plus un effort plein. C’est exactement ce que l’on rencontre en endurance de plusieurs jours : un point où le corps n’a pas besoin d’être stimulé davantage, mais d’assimiler ce qui a déjà été produit.

 

 

Sur le plan physiologique, cette journée a un rôle clé :

  • Le système nerveux bascule progressivement hors de l’état d’alerte.
  • Le parasympathique reprend le dessus : respiration plus ample, fréquence cardiaque plus basse, digestion plus active.
  • Les réserves de glycogène commencent à se reconstituer.
  • Les micro-lésions musculaires créées les jours précédents commencent à se réparer.
  • L’inflammation systémique diminue progressivement.
  • La sensation de fatigue se réorganise plutôt que d’être alimentée.

Ce n’est pas du repos passif. C’est ce que l’on appelle une récupération active. C’est une phase où le corps continue de travailler, mais différemment : il rétablit ses réserves d’énergie, réduit l’inflammation résiduelle, réorganise les signaux nerveux et stabilise la fatigue au lieu de la laisser s’accumuler. Le mouvement léger reste essentiel : il améliore la circulation, favorise l’oxygénation des tissus et permet aux muscles de se détendre sans perte de mobilité ni de coordination.

Ce type de journée ne vise pas la performance immédiate mais la continuité : elle crée les conditions pour performer à nouveau, plutôt que d’essayer d’extraire encore un peu d’énergie d’un système déjà sollicité.

 

Nous décidons de prendre le train pour rejoindre Lucerne. Ce choix s’inscrit dans la continuité de la dynamique du moment : ralentir, récupérer, optimiser. Assis, au calme, sans stimulation excessive, le système nerveux poursuit sa descente. Les sensations se posent, s’équilibrent.

À l’arrivée, le temps est clément. Nous roulons localement, trois heures environ, à un rythme doux, geste fluide, sans contrainte. Ce type d’activité entretient la circulation musculaire et articulaire sans ajouter de stress. C’est du vélo, mais en mode entretien, pas en mode charge.

Dans une démarche d’endurance, certaines journées servent à accumuler des kilomètres. D’autres à donner du sens à ce qui a été accompli. Celle-ci appartient à la seconde catégorie.

C’est souvent ce qui distingue un effort maîtrisé d’un effort subi : la capacité à choisir quand avancer, et quand assimiler.